ANTICIPER LES DIFFICULTÉS DE LECTURE CONTRACTUELLE DE L’APRÈS COVID-19

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Suite à la crise sanitaire, des tensions ont surgi autour des contrats annulation d’événements, des contrats pertes
d’exploitation sans dommages et des
garanties “tous risques sauf”. Deux avocats spécialisés en assurance relèvent des points d’attention en matière de lisibilité des garanties et de rédaction des contrats.

Selon l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), sur l’ensemble des contrats des entreprises de l’Hexagone couvrant le risque pandémique, 45 000 soulèvent des questions à cause du libellé. Lors d’une conférence qui s’est tenue le 15 septembre aux Journées du Courtage, Esther Bendelac, avocate fondatrice d’EB Avocat, a rappelé que “la pandémie est inédite. C’est pourquoi il peut y avoir des difficultés de lecture contractuelle, comme lorsque les accidents cybers sont apparus. Dans les conditions particulières ou les intercalaires sur mesure, des divergences ou des zones grises peuvent être relevées”. Des intermédiaires se sont tournés vers des avocats pour recueillir leur avis à ce sujet.
En matière de lisibilité des garanties, après avoir écouté le client pour recenser ses besoins d’assurance et lui proposer un produit adapté, l’intermédiaire est tenu de lui remettre un IPID (Insurance product information document) qui reprend les informations essentielles sur le contrat souscrit. Cette transmission écrite n’exclut aucunement d’expliquer au client le contenu des garanties.

Le cas de la résiliation anticipée

Dans le contexte de la crise sanitaire, des intermédiaires peuvent-ils être mis en cause sur la bonne compréhension des garanties souscrites ? Stéphane Choisez, avocat associé du cabinet Choisez et Associés, a estimé lors de cette conférence que “il est difficile de venir leur reprocher de ne pas avoir été lucides alors que ni les compagnies d’assurance, ni les pouvoirs publics ne l’ont été”. Avant décembre 2019, le risque que la responsabilité d’un intermédiaire soit engagée dans ce cadre pour défaut de conseil apparaît nul. Mais il en va autrement de la résiliation anticipée. “Il ne faut pas perdre de vue que le courtier agit dans l’intérêt du client, énonce Esther Bendelac. Si son intérêt est de refuser la résiliation anticipée, l’intermédiaire doit le conseiller dans ce sens”.
Depuis quelques semaines, à travers les intercalaires, les assureurs modifient les conditions particulières de certains contrats, par exemple par une augmentation des cotisations. Les compagnies d’assurance sont dans leur droit si elles respectent les délais quand elles modifient les intercalaires d’un contrat à l’occasion d’une résiliation à échéance. Afin de se protéger du défaut de conseil, il est primordial de n’accepter cette révision que si le client en a été informé et a donné son accord par écrit (e-mail). En événementiel, les porteurs de risques s’alignent les uns sur les autres pour revoir les contrats à échéance du 31 décembre 2020. “Les courtiers ne peuvent pas intervenir, l’ensemble des acteurs sur ce segment ayant pris le parti d’exclure la pandémie de leurs clauses”, notifie Esther Bendelac.

Des dossiers en attente chez les juges

Concernant les contrats en pertes d’exploitation, six décisions impliquant Axa France ont été rendues à ce jour par les tribunaux. Beaucoup d’autres dossiers attendent d’être examinés par les juges. Les interprétations des tribunaux divergent et se concrétisent par des décisions contradictoires. Et Stéphane Choisez de citer l’article 1192 du Code civil selon lequel “on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation”. En clair, “cela signifie qu’un assuré doit être en mesure de comprendre à la première lecture ce qui est garanti de ce qui ne l’est pas”, ajoute l’avocat. Des éléments confirmés par un arrêt rendu le 16 juillet 2020 par la Cour de Cassation. Celui-ci précise qu’on ne peut interpréter une clause d’exclusion car, si elle est claire et précise, elle n’a pas besoin d’être interprétée. “Or, une même clause peut produire deux lectures antagonistes”, développe Stéphane Choisez. Il ajoute qu’une grille de lecture produite par la Cour de Cassation dans des délais rapides serait bienvenue parce qu’elle apporterait de la clarté. Sinon, “le vrai danger est la lecture de ces clauses dans les trois à quatre prochaines années”. Et Esther Bendelac de renchérir : “tous les contrats d’assurance ne pourront être revus durant les mois prochains. Ces révisions prendront des années”.
Afin d’améliorer la rédaction des clauses des contrats, Stéphane Choisez préconise, entre autres, d’adapter celles-ci à l’évolution de la jurisprudence et d’ajouter une clause de délimitation précisant que “tous les événements sont couverts à l’exception de ceux qui sont expressément exclus”.
Enfin, mettre en place une révision des contrats pourrait éviter de se trouver dans une situation aussi inextricable à l’avenir.

Source : Geneviève Allaire – Planète CSCA, le 18/09/2020