Maintien de salaire maladie/accident

ventiler la contribution patronale si le régime de prévoyance garantit plus que l’obligation légale

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En cas d’arrêt de travail pour maladie ou accident, si le régime de prévoyance d’entreprise garantit le versement d’indemnités complémentaires hors le cadre du maintien de salaire prévue par la loi, l’employeur doit ventiler sa contribution pour éviter un redressement Urssaf. C’est que l’on peut conclure des arrêts rendus le 12 mai 2022 par la Cour de cassation qui semblent, en ne visant que l’obligation de maintien de salaire légale, soumettre à CSG la contribution patronale finançant l’obligation conventionnelle de maintien de salaire.

Pour satisfaire son obligation légale ou conventionnelle de maintien de salaire en cas de maladie ou d’accident du salarié, l’employeur peut :

  • souscrire à son profit un contrat d’assurance lui garantissant le versement d’une indemnité représentant le coût du maintien de salaire et des charges patronales qui lui incombent pendant cette période (contrat ou garantie “mensualisation” ) ;
  • ou, dans le cadre du régime de prévoyance de son entreprise, garantir aux salariés le versement d’indemnités journalières complémentaires pendant la période durant laquelle il est tenu de maintenir lui-même le salaire et au-delà de cette période d’obligation de maintien de salaire.

    Dans cette dernière situation, jurisprudence et administration ont précisé le régime social applicable aux contributions patronales finançant l’externalisation  de l’obligation de maintien de salaire (légale ou conventionnelle). Trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 12 mai 2022 apportent leur pierre à cet édifice en opérant, selon toute vraisemblance, un revirement jurisprudentiel pour le moins étonnant.

Régime social applicable depuis 2006 : rappel

Le financement patronal du maintien de salaire obligatoire pris en charge par le régime de prévoyance constitue une prime d’assurance non soumise à charges sociales.

Lorsque le régime de prévoyance d’entreprise garantit au salarié arrêté pour maladie ou accident le versement d’indemnités journalières complémentaires pendant la période durant laquelle l’employeur est tenu de maintenir son salaire, la Cour de cassation considère que le financement patronal de cette garantie n’a pas la nature juridique d’une contribution patronale aux garanties collectives de prévoyance.

Il s’agit d’une prime d’assurance qui ne confère pas au salarié un avantage supplémentaire par rapport à l’obligation légale ou conventionnelle (arrêts du 23 novembre 2006, n° 05-11.364, n° 04-30.208, n° 04-30.727 et n° 05-17.441).
En conséquence, ce financement est exclu de l’assiette des cotisations sociales (y compris de la CSG/CRDS) et ne doit pas être pris en compte pour apprécier les limites d’exonération applicables aux contributions patronales finançant un régime de prévoyance collectif et obligatoire (circulaire DSS/5B/2007/77 du 23 février 2007 ; circulaire DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009, fiche n° 9).

Quid des contributions patronales finançant plus que la simple externalisation de l’obligation de maintien de salaire ?

Selon l’administration, pour être considérée comme une prime d’assurance exclue de l’assiette des cotisations sociales :

  • le financement de l’employeur doit correspondre à l’étendue de son obligation de maintien de salaire telle qu’elle résulte de la loi ou d’un accord collectif ;
  • le maintien de salaire doit être strictement limité aux droits définis par la loi ou l’accord collectif en matière de durée d’indemnisation et de niveau de salaire.

Sont indistinctement visées les primes versées par l’employeur à l’organisme assureur en vue de se garantir du risque d’avoir à financer le maintien de salaire, peu importe que le contrat d’assurance prévoie la prise en charge par l’assureur du salaire et des charges patronales ou simplement le versement d’indemnités journalières complémentaires au salarié.

La fraction finançant un maintien plus avantageux résultant d’une décision unilatérale ou du contrat de travail a pour effet d’entraîner sa requalification en contribution patronale de prévoyance. Dès lors, cette fraction est soumise à CSG/CRDS et, si les limites d’exonération réglementaires sont dépassées, à cotisations sociales.

Mieux vaut ventiler ces contributions pour éviter toute déconvenue avec les Urssaf

Si le régime de prévoyance finance plus qu’une simple externalisation de l’obligation de maintien de salaire légale ou conventionnelle, l’employeur doit donc ventiler sa contribution entre le minimum légal/conventionnel et l’avantage supplémentaire. Sinon, gare au redressement Urssaf.

L’employeur doit, aux fins de contrôle, conserver les éléments qui permettent d’identifier ce qui ressort de l’assurance de ce qui ressort des garanties collectives, dès lors que les périodes de maintien de salaire dépassent la durée prévue légalement ou conventionnellement.

Un discret revirement jurisprudentiel

Dans les arrêts rendus le 12 mai 2022, la Cour de cassation ne remet pas en cause le mécanisme présenté ci-avant mais le circonscrit à l’obligation légale de maintien de salaire (articles L.1226-1 et D.1226-1 du code du travail).

Dans les trois affaires citées en référence, les Urssaf avaient, suite à un contrôle, notifié à plusieurs entreprises relevant de la CCN de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002, un redressement portant sur la réintégration dans l’assiette de la CGS/CRDS et du forfait social, des sommes versées au titre d’un régime de prévoyance complémentaire pour le financement du maintien des salaires en cas d’arrêt de travail pour maladie et accident. Les entreprises n’avaient, en effet, pas soumis les contributions patronales à la CSG/CRDS considérant acquis que leur contrat de prévoyance couvrait strictement la disposition de la CCN précitée relative à la couverture de la garantie “incapacité temporaire de travail”. Ce que l’agent de contrôle leur reprochait.

Les redressements sont annulés en appel, les juges du fond s’appuyant sur les stipulations de la CCN et du contrat de prévoyance pour déduire que les primes versées par l’employeur ne pouvaient pas être considérées comme finançant une opération de prévoyance complémentaire.

La CCN prévoit en son article 84 une garantie de ressources en cas d’incapacité temporaire de travail et d’invalidité permanente décès, applicable à tous les salariés non-cadres et cadres, sans condition d’ancienneté, chaque arrêt de travail pour maladie devant être indemnisé à l’issue d’un délai de carence de 3 jours pour les non-cadres, sans délai de carence pour les cadres, pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile dans la limite de 100 % de la rémunération nette qu’aurait perçue le salarié s’il avait travaillé pendant la période d’incapacité de travail et, au-delà de 90 jours, à hauteur de 80 % de la rémunération brute pendant toute la durée de l’indemnisation par la sécurité sociale. Pour garantir les ressources de ses salariés en application de cette disposition conventionnelle, le contrat de prévoyance des cliniques prévoyait, lui, que les salariés percevraient 100 % de la rémunération nette qu’ils auraient perçue s’ils avaient travaillé pendant la période d’incapacité temporaire et pendant toute la durée de l’indemnisation de la sécurité sociale, sous réserve d’une franchise de 90 jours pour les cadres.

La Cour de cassation casse les arrêts d’appel. Pour elle, les contributions patronales finançant l’indemnisation des arrêts de travail des salariés résultant de l’obligation personnelle légale de maintien de salaire, exonérées de CSG/CRDS, auraient dû être distinguées de celles finançant les prestations complémentaires de prévoyance soumises, elles, à ces contributions.

Elle ne mentionne pas l’obligation de maintien de salaire prévue par les dispositions conventionnelles, ce qui était pourtant le cas dans les faits qui lui étaient soumis.

Faut-il en déduire que seule la contribution patronale versée à un organisme tiers en vue de financer le maintien de salaire au profit des salariés malades ou accidentés en application des dispositions légales est susceptible d’être affranchie de CSG/CRDS et par voie de conséquence, du forfait social et que la part des contributions patronales finançant un maintien de salaire excédant le maintien légal (dans sa durée et/ou son niveau) serait, elle, soumise à ces contributions ?

Les termes adoptés par la Cour de cassation ne laissent que peu de place au doute. En outre, plusieurs décisions antérieures annonçaient cette “évolution” jurisprudentielle (arrêt du 12 mars 2015 ; arrêt du 31 mars 2016 ; arrêt du 4 avril 2019).

Ainsi, si le régime garantit le maintien de salaire conventionnel de branche ou d’entreprise plus avantageux que celui prévu par le code du travail, l’employeur va devoir demander à son organisme assureur la ventilation de sa contribution pour pouvoir soumettre à CSG/CRDS la part finançant cet avantage. Ceci afin d’éviter tout risque de redressement de la part des Urssaf. A moins bien sûr, de soumettre l’intégralité de sa contribution à CSG/CRDS. Dans ce cas de figure, pas de risque de redressement de la part des Urssaf puisque l’absence de ventilation leur est favorable. Mais cette décision peut être source de conflits avec les salariés et institutions représentatives du personnel.

Gageons qu’organismes assureurs et partenaires sociaux des branches apprécieront très moyennement cette restriction jurisprudentielle, d’autant que législateur et pouvoirs publics les incitent depuis quelques années déjà à améliorer toujours un peu plus la couverture prévoyance des salariés.

Et comment se positionnera l’administration ? Pour l’heure, la circulaire DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009 qui reprend la solution de la jurisprudence de 2006 sans la citer n’est pas abrogée ; elle est donc toujours opposable. Elle sera peut-être abrogée dès le 1er juillet 2022, une rubrique dédiée à la protection sociale complémentaire du Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) devant prendre le relais. Cette substitution sera-t-elle l’occasion pour l’administration de revoir sa position ou, au contraire, de la réaffirmer ?

Source : L’Argus de l’assurance / CPMS (partenaire de Berwick Assurances)