Prévoyance des cadres : la Cour de cassation a tranché
Dans un arrêt rendu le 30 mars, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est pour la première fois prononcée sur la fameuse question de l’intégration des frais de santé dans les 1,5% de prévoyance cadre.
La Haute juridiction a tranché pour la première fois le 30 mars : les 1,50% tranche A peuvent-il intégrer des frais de santé ?
L’arrêt vient répondre positivement à cette question posée de longue date, en confirmant celui rendu par la cour d’appel de Paris le 6 février 2020 : “La cour d’appel a exactement déduit que, pour vérifier si l’employeur respectait son obligation de cotiser en matière de prévoyance à hauteur de 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale, il devait être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie frais de santé”. Cet arrêt est à retrouver ci-dessous.
Prise de position bienvenue
Pour rappel, la convention collective nationale de retraite et prévoyance des cadres (CCN)impose depuis 1947 aux entreprises employant des cadres ou des assimilés cadres, de verser une cotisation obligatoire à hauteur de 1,5%de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale. Le financement de cette cotisation est “prioritairement affecté” à la couverture décès, le minimum étant fixé à 0,76%. En cas de non-respect de cette obligation, des sanctions pécuniaires sont prévues : l’entreprise devra verser aux ayants droit du cadre décédé une somme égale à trois fois le plafond annuel de Sécurité sociale. Sauf qu’en pratique, la question de la prise en compte des frais de santé dans ces 1,5 % se posait fréquemment.
“Il s’agit de la première réponse claire de la Cour de cassation sur ce sujet précis, qui entérine les prises de position des assureurs et entreprises du marché, mais également de la doctrine. Cette décision bienvenue confirme donc de façon claire les usages de la pratique et fait sens juridiquement”, réagit Xavier Pignaud, avocat associé de Rigaud Avocats. Même constat pour Frank Wismer, associé co-fondateur d’Avanty Avocats : “l’obligation de cotiser créée en 1947 n’a jusqu’ici généré que peu de contentieux. La Cour de cassation apporte aujourd’hui une première réponse sur une question très fréquente et classique dans la pratique”. Finalement, l’état du marché ne devrait donc pas être bousculé outre mesure par ce nouvel éclairage juridique.
Deux questions en suspens
Mais deux autres questions restent en revanche en suspens et ne sont toujours pas éclaircies : celle de la dispense d’adhésion de droit du salarié, qui peut ne pas accepter la prise en compte des frais de santé. “Plusieurs textes s’entrechoquent sur cette question sans qu’il y ait de réponse précise. C’est notamment pour cette raison que certaines entreprises ont fait le choix de ne pas intégrer de frais de santé dans les 1,5%”, note Xavier Pignaud. Un avis partagé par Frank Wismer qui relève qu’un deuxième sujet aurait également mérité des éclaircissements : “Il reste des questions en suspens notamment le sort de l’affectation par priorité au décès prévu dans la CCN de 1947 puis dans l’accord de 2017, de même que l’incidence du recours à des dispenses en matière de frais de santé”. En 1994, l’Agirc a indiqué que cette expression par priorité signifie que plus de la moitié de la cotisation obligatoire de 1,50 % devait être consacrée à la couverture du risque décès, “soit une cotisation au minimum de 0,76 % de la “tranche A”, ce qui implique que les 0,74 % restants peuvent financer d’autres garanties”. Une tranche que certains praticiens jugent anachronique. “Il est possible que les magistrats de la Cour de cassation aient pris en compte l’obligation en intégrant l’évolution des besoins entre 1947 et aujourd’hui”, ajoute Frank Wismer. D’autres jurisprudences à venir viendront peut-être clore définitivement les débats.
Source : L’Argus de l’assurance