LA SIMPLIFICATION DE L’ÉPARGNE RETRAITE EST UN PROGRÈS CONSIDÉRABLE

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Olivier Dessane, directeur du développement épargne retraite entreprise et investissements chez Siaci Saint-Honoré, fait le point sur le PER en entreprise, précise les changements intervenus sur les régimes à prestations définies et souligne l’appétence pour l’actionnariat salarié.

Dans quelle mesure le PER a-t-il changé la donne dans les entreprises ?

Olivier Dessane : Avec le nouveau PER, la loi Pacte a pour objectif de simplifier l’offre mais introduit temporairement une complexité. Celle-ci est liée à la nouvelle architecture des PER et à la transformation des produits d’ancienne génération. Avant la loi Pacte, les entreprises avaient accès à des produits d’épargne retraite bancaire en comptes titres (Perco) et à des offres assurancielles (articles 83). Sur une même offre, le PER de nouvelle génération permet désormais d’avoir recours à un assureur ou un teneur de compte (gestionnaire de comptes titres). Par ailleurs, il est possible de maintenir en silos la coexistence de deux outils retraite (le PER collectif et le PER obligatoire) ou de faire converger les anciens dispositifs vers un PER unique. Pour l’entreprise et les partenaires sociaux, “pactiser” les anciens dispositifs retraite entraîne donc des choix et des arbitrages à faire. Il revient souvent au courtier/conseil de les guider sur ces différents points en fonction des objectifs et ambitions fixés.

L’attrait du PER pourrait-il aller jusqu’à constituer un troisième pilier pour la retraite ?

O.D. : Si l’attrait pour le PER est réel, il ne peut encore être considéré comme un troisième pilier pour constituer sa retraite. La faiblesse des encours et des flux alimentant ces dispositifs ne permet pas encore de considérer le PER comme un “pilier” à part entière. Néanmoins, le nouveau PER offre dorénavant plus de souplesse, ce qui devrait le rendre plus attractif aux yeux des épargnants, en leur permettant de racheter l’épargne issue des versements volontaires pour l’achat de la résidence principale ou à la retraite, de la percevoir sous forme de capital. Notons l’effort très louable du gouvernement de simplification de l’épargne retraite, notamment par la transférabilité des droits, ainsi que sa volonté de renforcer la concurrence sur ce segment de l’épargne long terme. Avec le PER, un seul produit suit son titulaire tout au long de sa vie, qu’il soit salarié du secteur privé ou public ou bien travailleur non salarié. C’est un progrès considérable.

Le régime à prestations définies, également dénommé article 39, a évolué avec la loi Pacte. Quelles sont ces évolutions ?

O.D. : La transposition d’une directive européenne de 2014 dans la loi Pacte a entraîné la mise en conformité des régimes de retraite supplémentaire dits « articles 39 ». Ces anciens régimes ont été fermés et les droits passés ont été cristallisés. La loi Pacte a institué un nouveau régime, toujours à prestations définies mais dorénavant à droits acquis. Ce nouveau régime permet à une entreprise de constituer chaque année pour une catégorie de salariés une prestation égale au plus à 3 % de la rémunération. Cette prestation est acquise année après année par le bénéficiaire et n’est plus subordonnée à sa présence au sein de l’entreprise au moment du départ en retraite. Dans l’attente des dernières instructions parues fin décembre 2020 définissant les modalités de ce nouveau régime, les entreprises qui proposaient des régimes de type article 39 se sont mises en conformité. Elles ont redéfini leur politique retraite en proposant différents dispositifs pour le futur : par exemple, des attributions d’actions gratuites à vocation retraite, des cotisations sur un PERO au plafond de l’enveloppe fiscale ou des cotisations à des régimes de type article 82, une sorte d’assurance vie dans un contrat collectif. Le nouveau régime à prestations définies a gagné en lisibilité. Toutefois, il reste soumis à des taxes spécifiques comme son prédécesseur, pour l’employeur et le futur retraité. Quoiqu’il en soit, il devrait trouver sa place dans les packages de rémunération différée des cadres supérieurs et dirigeants.

Qu’en est-il de l’actionnariat salarié ?

O.D. : C’est un leitmotiv fort de l’actuel gouvernement qui aimerait porter le niveau de détention des actions de l’entreprise par les salariés à 10 %. Nous en sommes très loin aujourd’hui, avec à peine 3 % en moyenne dans les entreprises du Cac 40 et un taux d’équipement encore trop faible dans les ETI. Pourtant, l’actionnariat salarié dispose de nombreux atouts. Il renforce le lien entre l’entreprise, les actionnaires et les salariés. Lorsque ces dispositifs sont mis en place par les entreprises, le taux d’adhésion des salariés est souvent significatif, ce qui renforce le dialogue social et la compétitivité de l’entreprise. La loi de finances 2021 a encore renforcé l’attrait des opérations d’actionnariat salarié grâce à une exonération forfait social pour les entreprises qui versent de l’abondement dans les fonds d’actionnariat salarié. L’objectif de cette mesure, qui durera jusqu’à fin 2022, est “d’inciter les salariés à flécher leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises”. Nous pensons que cette incitation aura des effets positifs sur le développement des opérations d’actionnariat salarié.

La crise actuelle et les difficultés qu’elle génère réfrène-t-elle les entreprises d’investir dans des dispositifs d’épargne salariale ou retraite ou d’actionnariat salarié ?

O.D. : Que ce soit pour les grandes entreprises ou les ETI que nous conseillons, nous n’avons pas observé de ralentissement, ni sur les opérations d’actionnariat salarié, ni sur la transformation des PER. Sur ce segment, la crise ne nous semble pas avoir freiné les investissements des entreprises dans ces dispositifs. Nous observons également une tendance à la renégociation des accords d’intéressement susceptible de compenser les baisses de primes de participation en partie lié à la crise sanitaire. Ces outils restent d’excellents leviers pour motiver les salariés dans une période où les négociations sur les salaires demeurent difficiles.

Source : Propos recueillis par Geneviève Allaire pour PLANETE CSCA (19/04/2021)